De Pékin au XXIe siècle: les perspectives de l’Internationale socialiste des Femmes

XVIIe Congrès, Paris, France, les 5 et 6 novembre 1999

Résolution

I. Introduction

L’Internationale socialiste des Femmes, de nombreuses autres organisations de femmes et personnalités qui soutiennent l’égalité ont oeuvré au cours du dernier siècle pour promouvoir le statut des femmes à tous les niveaux de la société, au plan national et international. Il n’existe néanmoins pas un seul pays du monde où les femmes et les hommes sont totalement égaux.

Et pourtant, l’égalité est un objectif réalisable à condition que la volonté politique existe. Décider que les êtres humains sont tous égaux en mots et en droits signifie non seulement que cette valeur doit être reconnue et respectée de manière égale pour chaque être humain, mais aussi qu’il est nécessaire de prendre en compte la diversité existante et les conditions objectives dans lesquelles nous travaillons.

Parmi tous les événements marquants du XXe siècle, la transformation de l’univers féminin représente la plus grande révolution sociale pacifique. Aujourd’hui, de plus en plus de femmes ont réussi à acquérir un statut socio-économique meilleur que celui de leurs mères tant dans le domaine public que privé.

À ce jour, les progrès sont encourageants, mais l’égalité totale n’a pas été atteinte pour toutes les femmes et, dans bien des pays, on constate même une régression vis-à-vis des progrès réalisés. Dans certaines régions du monde, les femmes sont au début du marathon, alors que d’autres ont déjà fait beaucoup de chemin.

Il existe encore des disparités considérables concernant l’égalité entre régions et pays mais on dénombre plusieurs éléments communs caractéristiques du déséquilibre qui continue d’exister entre les sexes. Tout d’abord, on constate le partage inégal des responsabilités familiales et des positions socio-économiques, l’inégalité des salaires pour un travail de même valeur. Ensuite, la violence à l’égard des femmes se poursuit. Enfin, les processus de prise de décision continuent d’être entre principalement entre les mains des hommes.

En outre, même dans les pays où les réussites des femmes ont été plus marquées, et où les gouvernements ont adopté des instruments législatifs encourageant l’égalité, la contradiction continue d’exister entre l’égalité théorique entre les hommes et les femmes et leur inégalité en pratique. En raison de cette distorsion entre la théorie et la pratique, il est nécessaire de dépasser cette conception purement abstraite de l’égalité. Il est impératif de dépasser ces restrictions.

De plus, dans de nombreux pays aucune disposition législative n’est encore retenue en faveur des femmes, qui restent mineures à vie, sous le joug du code de la famille ou du statut personnel, portant atteinte à leur dignité.

Enfin, nous devons aussi prendre en compte le fait que certaines régions du monde entraînées dans le processus de la globalisation au moyen du néolibéralisme, révèlent des indicateurs sociaux alarmants, qui obscurcissent les opportunités de développement des femmes.

II. Déclaration

Étant donné que les représentants de 189 pays ont signé la Déclaration et programme d’action de Pékin lors de la Quatrième conférence mondiale de l’ONU sur les femmes qui s’est déroulée en septembre 1995;

Considérant qu’une session spéciale de l’Assemblée générale des Nations unies aura lieu du 5 au 9 juin 2000 à New York pour examiner et évaluer les progrès accomplis dans la mise en oeuvre du programme d’action de Pékin;

Le XVIIe Congrès de l’Internationale Socialiste des Femmes, tenu du 4 au 6 novembre 1999 à Paris, exhorte tous les partis membres de l’Internationale Socialiste, qu’ils soient au pouvoir ou dans l’opposition, à exiger la signature rapide par les états membres des Nations unies du Protocole Facultatif de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), et formuler et appliquer des politiques, proposer et adopter des textes de loi et réaliser les activités administratives et d’information qui soutiennent vigoureusement en pratique leur engagement politique en faveur des douze domaines prioritaires d’action et leurs objectifs stratégiques respectifs comme décrits dans le programme d’action de Pékin1:

A. Les femmes et la pauvreté:

  • Revoir, adopter et appliquer des politiques macro-économiques et des stratégies de développement répondant aux besoins et efforts des femmes vivant dans la pauvreté
  • Réviser les législations et les pratiques administratives en vue d’assurer l’égalité des droits sur les ressources économiques et un accès plus large des femmes à ces ressources
  • Ouvrir aux femmes l’accès à l’épargne et aux mécanismes et institutions de crédit
  • Mettre au point des méthodes tenant compte des spécificités de chaque sexe et chercher les moyens de combattre la féminisation de la pauvreté

B. Education et formation des femmes:

  • Assurer un accès égal à l’éducation
  • Éliminer l’analphabétisme féminin
  • Améliorer l’accès à la formation professionnelle, à l’enseignement scientifique et technique et à l’éducation permanente
  • Mettre au point des systèmes d’enseignement et de formation non discriminatoires
  • Allouer des ressources adéquates aux réformes du système éducationnel et suivre leur application
  • Promouvoir un processus d’éducation et de formation permanente à l’intention des filles et des femmes

C. Les femmes et la santé:

  • Élargir l’accès des femmes tout au long de leur vie à des soins de santé, à l’information et à des services connexes adaptés, abordables et de bonne qualité
  • Renforcer les programmes de prévention propres à améliorer la santé des femmes
  • Lancer des initiatives tenant compte des besoins des femmes face aux maladies sexuellement transmissibles, au VIH-Sida et aux autres problèmes de santé se rapportant à la sexualité et à la procréation
  • Promouvoir la recherche et diffuser des informations sur la santé des femmes
  • Augmenter les ressources consacrées à la santé des femmes et évaluer la situation dans ce domaine

D. Violence à l’égard des femmes:

  • Prendre des mesures concertées afin de prévenir et d’éliminer la violence à l’égard des femmes
  • Étudier les causes et les conséquences de la violence à l’égard des femmes et l’efficacité des mesures de prévention
  • Éliminer la traite des femmes et aider les femmes victimes de violence liées à la prostitution et à la traite des femmes

E. Les femmes et les conflits armés:

  • Élargir la participation des femmes au règlement des conflits au niveau de la prise de décisions et protéger les femmes vivant dans les situations de conflit armé et autres sous occupation étrangère
  • Réduire les dépenses militaires excessives et contrôler la disponibilité des armements
  • Promouvoir des formes non violentes des règlements des conflits et réduire les violations des droits fondamentaux dans les situations de conflit
  • Promouvoir la contribution des femmes au développement d’une culture valorisant la paix
  • Fournir protection, assistance et formation aux réfugiées, aux autres femmes déplacées ayant besoin d’une protection internationale et aux femmes déplacées à l’intérieur de leur propre pays
  • Prêter assistance aux femmes des colonies et des territoires non autonomes

F. Les femmes et l’économie:

  • Promouvoir les droits et l’indépendance économiques des femmes, notamment l’accès à l’emploi, des conditions de travail appropriées et l’accès aux ressources économiques
  • Faciliter l’égalité d’accès des femmes aux ressources, à l’emploi, aux marchés et aux échanges commerciaux
  • Fournir aux femmes, notamment à celles à faible revenu des services professionnels et des moyens de formation, et leur ouvrir l’accès aux marchés, à l’information et à la technologie
  • Renforcer la capacité économique et les réseaux commerciaux des femmes
  • Éliminer la ségrégation professionnelle et toutes les formes de discrimination dans l’emploi
  • Permettre aux hommes et aux femmes de concilier responsabilités familiales et résponsabilités professionnelles

G. Les femmes et la prise de décisions:

  • Prendre des mesures propres à assurer aux femmes l’égalité d’accès et la pleine participation aux structures du pouvoir et à la prise des décisions
  • Donner aux femmes les moyens de participer à la prise de décision et d’exercer des responsabilités

H. Mécanismes institutionnels chargés de favoriser la promotion de la femme:

  • Créer ou renforcer les mécanismes nationaux et autres organes gouvernementaux
  • Intégrer une démarche soucieuse d’égalité entre les sexes dans l’élaboration des dispositions législatives, des politiques et des programmes et projets d’intérêt général
  • Produire et diffuser des données et des informations ventilées par sexe aux fins de planification et d’évaluation

I. Les droits fondamentaux de la femme:

  • Promouvoir et protéger les droits fondamentaux des femmes par la pleine application de tous les instruments relatifs aux droits de l’homme, en particulier de la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW)
  • Garantir la non-discrimination et l’égalité devant la loi et dans la pratique
  • Diffuser des notions élémentaires des droits

J. Les femmes et les médias:

  • Permettre aux femmes de mieux s’exprimer et de mieux participer à la prise des décisions dans le cadre et par l’intermédiaire des médias et des nouvelles techniques de communication
  • Promouvoir une image équilibrée et non stéréotypée des femmes dans les médias

K. Les femmes et l’environnement:

  • Assurer une participation active des femmes aux prises de décisions concernant l’environnement à tous les niveaux
  • Intégrer les besoins, préoccupations et opinions des femmes dans les politiques et programmes en faveur du développement durable
  • Renforcer ou créer des mécanismes au niveau national, régional et international pour évaluer l’impact des politiques de développement et de gestion de l’environnement sur la femme

L. Les petites filles:

  • Éliminer toutes les formes de discrimination à l’égard de la petite fille
  • Éliminer les comportements et pratiques culturelles préjudiciables aux filles
  • Promouvoir et protéger les droits de petite fille et faire mieux connaître ses besoins et son potentiel
  • Éliminer les discriminations à l’égard des filles dans l’enseignement, l’acquisition des capacités et la formation
  • Éliminer les discriminations à l’égard des filles dans les domaines de la santé et de la nutrition
  • Éliminer l’exploitation économique du travail des enfants et protéger les jeunes filles qui travaillent
  • Éliminer la violence contre la petite fille
  • Sensibiliser les petites filles et favoriser leur participation à la vie sociale, économique et politique
  • Renforcer le rôle de la famille dans l’amélioration de la condition de la petite fille.

Le cadre théorique créé par les organisations de femmes comme l’ISF doit être accompagné de fortes pressions sur les gouvernements et les partis pour promulguer l’application de politiques d’égalité et de parité et pour intégrer la dimension féminine dans toute la législation, toutes les politiques et activités.

Dans cette optique, nous continuerons à travailler avec tous les membres de l’Internationale Socialiste pour encourager l’égalité au sein de l’organisation et pour travailler ensemble pour atteindre nos objectifs communs.