Solidarité internationale – Les femmes œuvrent ensemble pour construire un monde meilleur pour tous

Le Cap, Afrique du Sud, 27 et 28 août 2012

Résolution

Alors que nous traversons une période d’inégalités économiques politiques et sociales grandissantes provoquées par la crise financière mondiale, la réaction politique conservatrice et néo-libérale de nombreux gouvernements exacerbe la pauvreté, la marginalisation et l’injustice pour de nombreuses femmes, qu’il s’agisse du ralentissement des progrès accomplis au niveau de certains Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) ou du choc des mesures d’austérité.

Le but de l’égalité entre les genres reste lui aussi inachevé, avec de vastes conséquences négatives, étant donné que la réalisation des ODM dépend en grande partie de l’autonomisation des femmes et de leur accès égal à l’éducation, au travail, aux systèmes de santé et à la prise de décisions. Le principe « à travail égal, salaire égal » reste un pilier fondamental de notre lutte pour les droits des femmes. Nous devons aussi reconnaître l’inégalité des progrès entre les différents pays et régions, et les graves inégalités qui existent entre les populations, notamment entre les zones rurales et urbaines.

Il existe d’excellents exemples de gouvernements socio-démocrates dans le monde qui font des efforts pour éradiquer la pauvreté, renforcer les droits politiques des femmes, améliorer les conditions des femmes rurales dans les pays en voie de développement et distribuer les ressources financières de manière juste. Ces gouvernements ont la responsabilité de partager leurs réussites dans un esprit de solidarité, pour que d’autres puissent s’inspirer de leur exemple et l’adapter à leurs propres circonstances.

La solidarité est la valeur commune qui définit les organisations socialistes, travaillistes et sociales-démocrates membres de l’Internationale socialiste des Femmes et est à la base de son travail. Il est plus important que jamais que les femmes et leurs organisations collaborent et apprennent les unes des autres, car c’est seulement en oeuvrant ensemble que nous pourrons rendre notre monde meilleur, plus égal et juste pour tous. La solidarité signifie aussi la distribution juste de la richesse et des ressources non seulement entre régions ou États, mais aussi au sein même des sociétés.

« Œuvrer ensemble en solidarité pour éradiquer la pauvreté »

Le but du premier OMD, réduire la pauvreté extrême et la faim de moitié par rapport au taux de 1990, a été atteint avant la date fixée de 2015 malgré la crise financière internationale, mais la pauvreté extrême reste très répandue. Selon la Banque mondiale, 386 millions de personne en Afrique sub-saharienne étaient touchées par la pauvreté extrême en 2008 ; 284 millions de personnes en Asie de l’Est et 570 millions en Asie du Sud. En Amérique Latine et dans les Caraïbes, selon la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPAL), environ 70 millions de personnes en 2011 vivaient dans la pauvreté extrême. Mais aussi en Europe et en Amérique du Nord, l’écart se creuse. En Europe, pratiquement une personne sur quatre est en danger de souffrir de pauvreté alors qu’en Amérique du Nord le taux de pauvreté est passé de 13,2 % en 2008 à 15,11 % en 2011.

On peut apprendre beaucoup de choses des pays en voie de développement qui n’évaluent le succès de leur pays qu’en termes de croissance économique. Ils adoptent des politiques qui sortent des millions de personnes de la pauvreté en développant l’emploi, en introduisant un salaire minimum, en faisant face à la corruption, en introduisant des paiements aux familles les plus pauvres, aux agriculteurs et aux personnes qui contribuent à préserver les ressources naturelles. Les avantages ont été une réduction de la malnutrition des enfants, une réduction importante du nombre de personnes vivant avec des revenus correspondant à 1 dollar par jour, et des progrès en direction de la réduction du fossé entre les riches et les pauvres.

« Œuvrer ensemble en solidarité pour les droits politiques des femmes »

Les femmes restent sous-représentées dans les organismes législatifs et à la plupart des niveaux de prise de décisions, avec une moyenne actuelle de 20 % de femmes dans les parlements nationaux dans le monde, selon l’Union interparlementaire (IPU). De nombreux pays souffrent d’un retour de manivelle. Les manifestations de masse en Tunisie contre les références à la position des femmes dans le projet de constitution, qui utilise le terme ‘complémentarité’ au lieu ‘d’égalité, sont un signe clair d’un tel revirement. Le Printemps arabe a eu un succès mitigé pour les femmes. Le résultat des élections parlementaires en Égypte a été de réduire le nombre de parlementaires femmes par rapport à avant la révolution. Le parlement égyptien élu mais suspendu compte aujourd’hui huit femmes sur un total de 508 parlementaires, soit moins de 2 %, contre 12 % avant la révolution. Les trente-trois femmes qui ont récemment été élues au Congrès national général de Libye au cours des premières élections libres représentent un succès car sous le régime de Mouammar Kadhafi le nombre des femmes actives en politique était très limité en Lybie.

Les pays nordiques en Europe ont traditionnellement été les pionniers de la représentation politique et du leadership des femmes. Certains pays d’Europe étendent actuellement les quotas politiques dans les entreprises et les sociétés en les imposant dans les conseils d’administration des entreprises. Ces pays d’Europe doivent collaborer avec les femmes d’Amérique latine, d’Asie et d’Afrique pour partager leurs stratégies pour faire en sorte que les femmes soient représentées aux postes décisionnels et ministériels ainsi que dans les parlements. En plus des quotas, d’autres mesures doivent être prises pour améliorer globalement le climat politique et ainsi autonomiser les femmes au plan politique dans le monde entier. Les qualités du leadership féminin sont très précieuses pour surmonter la crise économique actuelle. Il s’agit d’une opportunité qui devrait être complètement exploiter.

La disposition relative aux quotas de genre dans les statuts de l’Internationale Socialiste devrait établir une norme minimale pour les statuts et les structures des partis membres de l’Internationale Socialiste – que ce soit des mandats politiques ou des organes du parti. Néanmoins, notre objectif commun est de toujours assurer une représentation égale entre les femmes et les hommes dans tous les domaines de décision : législatif, exécutif, judiciaire et au sein des partis politiques. Les partis membres doivent présenter régulièrement des rapports sur l’égalité des sexes au sein de leurs propres structures pour le Conseil de l’Internationale Socialiste ou le Congrès.

« Œuvrer ensemble en solidarité pour améliorer les conditions de travail et sociales des femmes rurales »

Le modèle économique adopté par de nombreux pays au cours des deux dernières décennies a intensifié les inégalités dans la population mondiale. Les femmes rurales représentent plus d’un quart de la population mondiale et deux tiers de la population illettrée ; leurs revenus sont inférieurs à ceux des hommes ruraux ou des hommes et femmes urbains à pratiquement tous les niveaux. Des millions sont responsables d’enfants mais sont confrontées à des pénuries alimentaires, marchent pendant des heures pour aller chercher de l’eau et du combustible et font face aux maladies sans les ressources nécessaires. Elles travaillent pendant de longues journées pour un salaire bas ou inexistant dans des champs soumis à la détérioration environnementale et au changement climatique. Elles sont particulièrement vulnérables aux crises telles que la crise financière actuelle et tentent d’absorber l’impact que subissent leurs familles.

La situation des femmes rurales dans les pays en voie de développement est alarmante ; la crise intensifie aussi les inégalités existantes au niveau des conditions de travail des femmes dans les pays soi-disant développés. Un nombre croissant de femmes sont employées à termes précaires et instables, qu’il s’agisse d’emplois à temps partiel, de contrats temporaires, ou d’autres formes de conditions de travail précaires, tandis que d’autres femmes ont un travail indépendant sans couverture sociale, ce qui force des millions de femmes dans une situation d’insécurité économique.

L’Internationale socialiste des Femmes reconnaît l’importance de l’introduction par l’ONU d’une Journée Internationale de la Femme Rurale, observée pour la première fois le 15 octobre 2008 en reconnaissance du « rôle et de la contribution critiques des femmes rurales, y compris les femmes indigènes, dans le développement agricole et rural, l’amélioration de la sécurité alimentaire et l’éradication de la pauvreté rurale ». (Résolution de l’Assemblée générale de l’ONU 62/136, 18 décembre 2007)

Les droits sexuels et reproductifs des femmes continuent d’être violés partout dans le monde, en dépit des conventions internationales visant à protéger la santé des femmes et leur intégrité corporelle. Par conséquent, toutes les femmes et les filles doivent avoir accès à la sécurité juridique et les services médicaux, les traitements et l’assistance ainsi que l’éducation, la prévention et la sensibilisation sur le VIH / sida. Les droits sexuels et reproductifs sont des droits fondamentaux qui contribuent au développement social, économique et financier des femmes et des filles.

« Œuvrer ensemble en solidarité pour une distribution juste des ressources financières »

La réaction des pays développés face à la crise financière ne doit pas être d’adopter des pratiques commerciales protectionnistes, monopolistes ou déséquilibrées. L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), a conclu que 70 % des personnes les plus pauvres dans le monde dépendent de l’agriculture pour leur survie. Pourtant, la poursuite d’un haut niveau de subventions qui déforment les échanges commerciaux, et la réglementation trop compliquée ou stricte dans les pays de l’Organisation pour la Coopération et le Développement Économique (OCDE) empêchent les agriculteurs d’Afrique et d’Amérique latine d’exporter leurs produits vers les pays développés à un prix juste et raisonnable, tout en les forçant à importer des produits venus d’Europe. Parallèlement, une politique de justes salaires est nécessaire dans les pays développés pour faire en sorte que l’augmentation des coûts alimentaires ne se fasse pas au détriment des personnes déjà défavorisées.

De même, les pays en voie de développement possédant des ressources naturelles précieuses constatent que les pays développés établissent des monopoles d’extraction des ressources (et leur versent des tarifs bien moins élevés pour leurs matières premières que les cours du marché ouvert mettant en péril dans de nombreux cas les ressources essentielles telles que l’eau ou détruisant l’environnement, au détriment des générations futures) ou un déséquilibre du commerce (où un pays en voie de développement importe bien plus qu’il n’exporte) ce qui ralentit aussi leur développement économique. Les entreprises telles que Monsanto abusent les brevets sur les produits agricoles et les semences génétiquement modifiées à leur profit et au détriment de la population rurale mondiale.

Le système commercial international doit être réformé afin de répondre aux besoins de la majorité mondiale qui vit dans les pays en voie de développement. En améliorant l’accès aux marchés développés sur une base ouverte et équitable, sans pratiques commerciales restrictives, tout en mettant largement en œuvre des politiques de commerce équitable pour garantir des conditions de travail décentes, on frapperait au cœur du problème de la pauvreté mondiale et on améliorerait la vie de millions de personnes dans les pays en voie de développement.

L’Internationale socialiste des Femmes lance donc un appel aux gouvernements et aux partis membres de l’Internationale Socialiste pour :

Développer une structure commune claire sur laquelle baser les politiques, les programmes et l’assistance au développement avec un quota de genre spécifique afin de réduire davantage la pauvreté extrême et la faim parmi les femmes;

Diffuser largement les politiques et législations adoptées par les gouvernements qui luttent avec succès contre la pauvreté, augmentent l’égalité de genre, améliorent les conditions des femmes rurales dans les pays en voie de développement et distribuent équitablement les ressources entre les pays en voie de développement et développés ainsi qu’au sein des sociétés;

Encourager et promouvoir activement la constitution de réseaux et les alliances entre organisations de femmes dans les pays développés et en voie de développement afin de soutenir les femmes occupant des postes élus et de développer la coopération sur les activités et projets communs afin de lutter contre la pauvreté, augmenter l’égalité politique, améliorer les conditions pour les femmes rurales dans les pays en voie de développement et distribuer les ressources de manière juste ;

Promouvoir des politiques et législations publiques immédiates, efficaces et rationnelles pour améliorer les conditions de vie des femmes rurales en voie de développement; transformer le travail agricole en travail payé ; définir et garantir la couverture de la sécurité sociale, des programmes alimentaires et d’éducation et autoriser une participation aux décisions au niveau économique, politique, social et culturel ;

S’attaquer aux conditions de travail précaires pour les femmes, garantir la protection des droits du travail par les gouvernements, promouvoir les négociations collectives et élargir la portée de la législation du travail afin d ‘inclure des métiers non protégés dominées par les femmes, comme les domestiques, les soignants, les travailleurs à domicile ou à temps partiel. La mise en œuvre du principe « à travail égal, salaire égal » et la promotion et la mise en œuvre d’un travail décent pour tous sont d’une importance primordiale ; et

Coordonner les actions de réforme des accords commerciaux afin d’augmenter l’accès sans restriction des pays en voie de développement aux marchés des pays développés, reconnaissant que les gouvernements des pays en voie de développement doivent jouer leur rôle en respectant les droits fondamentaux et une gouvernance transparente, alors que les gouvernements des pays développés doivent s’assurer que les personnes socialement défavorisées dans la société, principalement les femmes ne se voient pas refuser cet accès.

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