Violence de genres – l’ultime expression de l’inégalité

Madrid, Espagne, les 4 et 5 février 2004

Résolution

Il n’existe aucun pays dans le monde où les femmes et les hommes bénéficient de l’égalité de statut et des chances. Selon divers rapports des Nations unies sur le développement humain, les femmes du monde entier sont plus ou moins discriminées et ceci uniquement de part leur sexe. Nous pouvons affirmer que la violence à l’égard des femmes est un phénomène mondial résultant de cette situation d’inégalité profonde et l’une de ses manifestations les plus graves.

La Conférence mondiale de l’ONU sur les droits de la personne de 1993 a établi que la violence à l’égard des femmes met en péril les droits fondamentaux, la liberté individuelle et l’intégrité physique et psychique des femmes. Les articles 1 et 2 de la Déclaration de l’ONU sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes précisent que «les termes « violence à l’égard des femmes » désignent tout acte de violence dirigé contre le sexe féminin et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, dans leur vie publique ou privée».

L’ISF félicite l’Organisation mondiale de la santé d’avoir établi le Rapport mondial sur la violence et la santé (octobre 2002): cette première évaluation approfondie du problème de la violence présente des informations sur la violence en tant que problème de santé publique mondial. En publiant ce rapport, l’OMS soutient et étaie également le travail et les conclusions du rapporteur spécial sur la violence à l’égard des femmes.

La violence à l’égard de femmes est causée par l’inégalité entre les hommes et les femmes et ce sont les structures sociales elles-mêmes qui rendent ces actes légitimes, qu’ils soient commis au sein de la famille ou de la collectivité. En disant que la violence à l’égard des femmes est une conséquence de ce modèle social, nous affirmons également que l’élimination de la violence ne sera possible que quand ce modèle changera, que les relations de domination auront disparu et que sera assurée l’égalité entre les hommes et les femmes. Ce sont donc les gouvernements nationaux qui sont les responsables de ce modèle et de sa modification. Ceux-ci doivent intervenir en utilisant tous les moyens dont ils disposent afin d’empêcher la violence et protéger ses victimes.

Dans certaines parties du monde, les femmes sont traitées cruellement et même exécutées quand elles sont accusées d’adultère ou d’avoir mis au monde des enfants illégitimes – souvent à la suite d’un viol ou d’un viol collectif. Dans de nombreux pays, un nombre infini de femmes sont victimes de torture et d’assassinat, ce que l’ISF considère comme un cas flagrant de femicide.

La violence à l’égard des femmes, comme l’inégalité entre les hommes et les femmes, revêt de nombreuses formes. L’une d’entre elles est la violence au sein de la famille. Selon l’Organisation mondiale de la santé, près de la moitié des femmes assassinées sont tuées par leur mari ou leur partenaire actuel ou ancien, chiffre qui atteint 70 % dans certains pays. En outre, une femme sur quatre subit des sévices sexuels commis par son partenaire à un moment ou à un autre de sa vie.

Nous soulignons qu’au-delà de la responsabilité personnelle des auteurs de ces actes, les gouvernements portent aussi une responsabilité, car ils n’ont pas pris toutes les précautions voulues pour protéger ces femmes. Cela est reconnu clairement dans la déclaration de l’ONU sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Les gouvernements doivent donc promouvoir une législation étendue pour agir sur ce problème dans toute sa complexité.

Conscientes que la violence à l’égard des femmes revêt des formes différentes, dont un grand nombre touche directement les petites filles, nous souhaitons dénoncer la grave situation des millions de filles qui, chaque année, subissent des mutilations génitales. Nous dénonçons également la sélection sexuelle des fœtus, les avortements forcés et l’infanticide des filles nouveau-nées.

Selon le rapport sur le Fond des Nations unies pour la population de septembre 2000, quatre millions de femmes et de filles sont achetées et vendues chaque année pour l’un ou l’autre de ces trois motifs: la prostitution, l’esclavage ou le mariage forcé. De plus, chaque année, deux millions de filles sont forcées à se prostituer.

La traite de femmes et de filles est une violation des droits de la personne, qui a des liens directs avec l’inégalité sexuelle et des raisons socio-économiques, avec les politiques d’immigration restrictives et la pauvreté. Pour lutter contre ce problème, nous devons donc adopter une démarche pluridisciplinaire, avec la participation de toutes les personnes concernées et mener une coopération au niveau national et international entre les pays d’origine, de transit et de destination.

La violence à l’égard des femmes implique de manière inévitable la subordination des femmes. L’éradication de la violence à l’égard des femmes en raison de leur sexe, née des structures sociales et reproduite dans tous les domaines de la société, de la famille aux pratiques institutionnelles, doit former un objectif important des organisations internationales et des gouvernements nationaux dans la mesure où il s’agit d’une question de droits de la personne.

En conséquence, l’Internationale socialiste des Femmes:

  • appelle les gouvernements nationaux à ratifier tous les instruments de protection et de promotion des droits des femmes, en particulier le Statut de Rome et le cas échéant, retirer les réserves qu’ils ont exprimées et signer et/ou ratifier son protocole optionnel;
  • appelle tous les gouvernements nationaux à introduire une législation étendue contre la violence à l’égard des femmes. Ils doivent s’attaquer à tous les aspects du problème, de la prévention à l’éducation, à la sensibilisation sociale, à l’amélioration des systèmes politiques et juridiques, à la protection efficace des victimes, aux réparations et à un système de compensations approfondi pour tout atteinte subie. Il faut enfin introduire une législation visant à exclure les auteurs de violence familiale de leur foyer;
  • appelle tous les gouvernements nationaux à introduire une législation étendue faisant du viol – y compris le viol perpétré par les forces de répression – un crime là où il est encore considéré comme un délit, et à introduire des lois qui feraient du viol systématique un crime de guerre et garantiraient que leurs auteurs soient poursuivis par le Tribunal pénal international établi par l’ONU;
  • insiste sur la nécessité pour les gouvernements nationaux d’attribuer les ressources nécessaires pour la lutte contre la violence à l’égard des femmes sous toutes ses formes et de créer des programmes complets qui prendraient en charge et protégeraient pleinement ses victimes. Les efforts et les progrès accomplis dans ce contexte doivent servir de critère pour l’évaluation des projets et programmes de coopération au développement, aussi bien par les bailleurs de fonds que par leurs bénéficiaires;
  • note la nécessité d’une collaboration avec la société civile et les organisations de femmes qui possèdent une connaissance approfondie de la question et exhorte les gouvernements à mettre en place une coopération étroite avec ces organismes, fondée sur l’autonomie, la reconnaissance et le respect mutuel;
  • appelle à ce que l’éradication de la traite des femmes et des filles forme un objectif majeur de la politique publique et à ce que la lutte contre elle soit menée de manière exhaustive en réprimant activement la criminalité organisée, en menant des activités de sensibilisation sociale et en mettant en place des mesures de soin et de soutien pour les victimes et mettre en place des programmes de protection des témoins à l’intention des femmes qui témoignent dans les tribunaux contre les trafiquants;
  • appelle le secrétaire général de l’ONU à faire de la prévention de la violence massive à l’égard des femmes et des filles et de la violation de leurs droits une priorité dans l’action pour la paix et l’intervention humanitaire des Nations unies et à mettre à disposition les ressources nécessaires pour empêcher ces violations dans tous les conflits internationaux, régionaux et locaux ainsi qu’à considérer l’élaboration et l’adoption d’une convention sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes;
  • déclare que la violence à l’égard des femmes doit constituer une raison pour l’octroi du droit d’asile;
  • note la nécessité urgente pour les gouvernements nationaux de faire passer et de renforcer les lois contre les mutilations génitales féminines, la sélection sexuelle des fœtus, les avortements forcés et l’infanticide des filles nouveau-nées contre les crimes que leurs auteurs justifient par l’honneur, la tradition et les croyances religieuses.

Enfin, l’Internationale socialiste des Femmes désire affirmer la nécessité absolue de travailler à l’avancement des femmes parce que la violence à l’égard des femmes peut être éradiquée uniquement en réalisant l’égalité entre les hommes et les femmes, car elle tire précisément son origine de l’inégalité, de la dépendance et de la discrimination.