L’impact de la migration sur les femmes

Saint-Domingue, République Dominicaine, les 20 et 21 novembre 2009

Résolution

La migration est une question complexe. Pour bien cerner cette complexité, il faut citer les différents types de migration : interne, internationale, temporaire, permanente, légale, illégale, volontaire ou forcée. Il est également important de comprendre les différences géographiques des migrations car les motifs d’une migration peuvent varier d’une région à une autre ou d’un pays à un autre. Il existe également un aspect des migrations lié au sexe – sur 200 millions de migrants internationaux, la moitié sont des femmes – et l’impact, les influences et les expériences de la migration peuvent être différents pour les femmes et pour les hommes.

Dans certains cas, les migrantes choisissent leur départ, mais la majorité d’entre elles sont forcées à quitter leurs régions ou leurs pays pour différentes raisons : pauvreté, absence d’opportunités, conflits, persécution, dégradation environnementale ou catastrophe naturelle – autant de situations qui ont un impact sur leur sécurité et leurs moyens de vie.

Les femmes qui choisissent de migrer vivent cette migration différemment des femmes forcées à migrer, et l’impact sur les familles et communautés qu’elles laissent derrière elles dépend des raisons de la migration. La migration peut aussi avoir un impact affectif et psychologique sur les femmes lorsqu’elles migrent seules et abandonnent leurs familles et leurs enfants. Les femmes migrantes doivent commencer une nouvelle vie dans leur pays d’accueil, mais si elles sont déportées elles doivent abandonner leurs enfants, leurs biens et leur domicile, fruits de nombreux sacrifices. Très souvent, les autorités font adopter leurs enfants par d’autres familles, ce qui constitue une violation de leurs droits fondamentaux.

En général, la migration a un impact sur le statut et le rôle des femmes. Il est évident que les femmes qui choisissent de migrer s’intègrent et s’adaptent mieux à leur région ou pays d’accueil. Leurs expériences peuvent être positives et bénéfiques, alors que celles qui sont forcées à migrer peuvent vivre des expériences négatives, douloureuses, voire traumatisantes. Que ce soit un choix ou non, l’expérience de la migration reste un défi au niveau de la langue, du climat et des différences culturelles, sans parler de l’absence de lois et réglementations appropriées pour protéger les droits des migrantes.

Les femmes qui parviennent à trouver un emploi dans la région ou le pays d’accueil peuvent connaître une certaine indépendance et autonomisation économiques, ce qui n’est pas toujours le cas dans leurs pays d’origine, où les valeurs culturelles traditionnelles ou l’absence d’emplois, l’existence de familles nombreuses etc. forcent les femmes à être financièrement dépendantes de leurs conjoints ou époux. On peut aussi avancer que l’inégalité entre les sexes dans les pays d’origine représente un facteur puissant pour encourager les femmes à migrer, surtout lorsqu’elles ont des attentes économiques et politiques impossibles à réaliser chez elles. Par conséquent, cette situation peut entraîner des changements dans la dynamique relationnelle et familiale alors que les conjoints et maris refusent ou sont incapables d’accepter ou de s’adapter à la nouvelle situation dans laquelle les femmes ont des revenus importants ou deviennent les soutiens de famille. Cette évolution des rôles et responsabilités peut être un signe d’autonomisation mais peut également créer des pressions supplémentaires sur les femmes qui devront trouver un équilibre entre les responsabilités familiales, les corvées domestiques, les soins et la garantie de la sécurité financière, ce qui augmente considérablement leur charge de travail.

Les rôles traditionnels des sexes en ce qui concerne la place des femmes dans la société peuvent également déterminer le type de travail que font les migrantes, ce qui peut déboucher sur des emplois mal rémunérés comme ceux d’employée de maison. Ces emplois comportent un risque : les migrantes peuvent devenir isolées et se trouver plus vulnérables aux mauvais traitements de la part de leurs employeurs. Dans certains cas,  on les empêche d’exercer leurs droits en tant que travailleuses. De plus, les femmes admises dans la communauté en tant que travailleuses sont souvent consignées à des emplois « féminins » tels que ceux d’infirmière, bonne d’enfant, femme de ménage ou assistante de service clientèle à salaire peu élevé.

La définition des femmes lorsqu’elles entrent dans le pays peut également influencer leurs droits et avantages sociaux, y compris la capacité à obtenir rapidement leur naturalisation. Des études ont montré que les femmes se voient refusées la naturalisation plus souvent que les hommes. Mais les lois et réglementations d’immigration dans le pays d’accueil influencent différemment la migration des hommes et celle des femmes. Les politiques de migration des pays d’accueil posent implicitement l’hypothèse d’un statut de « personne dépendante » pour les femmes et celle d’un statut de « personne indépendante » pour les hommes. Les femmes sont souvent classifiées en fonction de leur relation avec les hommes qui les accompagnent dans leur migration.

Un autre aspect très important de la migration concerne les fonds envoyés par les femmes migrantes à leurs familles dans leur pays d’origine, qui peuvent représenter une source de revenus importante pour le foyer. Les données de la Banque mondiale pour 2004 indiquent que les fonds reçus par les pays en développement représentaient 126 milliards de dollars US, soit près du double de l’Assistance officielle au développement (ODA) et environ 75 pour cent du total des investissements étrangers directs. Malheureusement, il n’existe pas de données en fonction des sexes pouvant indiquer la contribution des femmes à ces versements de fonds, mais on sait que dans certains pays cette contribution est importante. En ce qui concerne les Dominicains vivant en Espagne, par exemple, ce sont les femmes qui envoient jusqu’à 78 pour cent des fonds, alors qu’elles ne représentent que 61,4 pour cent des migrants.

Un impact grave de la migration des femmes est le « care-drain » sur les pays d’origine, lorsque les infirmières, sages-femmes et femmes docteurs migrent. Alors que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande un ratio de 100 infirmières pour 100 000 habitants, dans certains pays d’Afrique cette proportion est passée à 10 pour 100 000 habitants. Parallèlement, dans certains pays scandinaves, le ratio est parfois de 2000 infirmières pour 100 000 habitants.

L’une des principales sources de préoccupation est la traite des femmes et jeunes filles forcées à se prostituer et à subir d’autres formes d’exploitation, qui sont une forme d’esclavage moderne.

C’est pourquoi l’Internationale Socialiste des Femmes :

Demande aux gouvernements de développer des politiques et programmes visant à améliorer l’accès des femmes migrantes à de meilleures opportunités d’emploi, un hébergement sûr, la formation linguistique, aux soins de santé, au soutien psychologique et à d’autres prestations ;

Insiste auprès des gouvernements de ratifier et d’appliquer tous les instruments juridiques internationaux promouvant et protégeant les droits des femmes et jeunes filles migrantes ;

Lance un appel à l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) d’aider les gouvernements nationaux à faire en sorte que leurs politiques de migration et de développement soient sensibles aux différences entre les sexes et tiennent compte des besoins spécifiques des femmes ;

Demande aux gouvernements d’améliorer les relations et la compréhension entre cultures et religions et d’aider les migrants à mieux s’intégrer dans leurs nouvelles communautés et pays d’accueil ;

Demande aux gouvernements d’interdire les sanctions et la déportation des femmes victimes de la traite et de développer des stratégies pour les protéger et les soutenir tout en leur accordant leurs droits et

Insiste auprès des gouvernements de promouvoir et soutenir des projets de création de revenus qui contribueront à réduire les migrations des femmes.

Enfin, dans l’objet de créer des stratégies fructueuses, l’ISF souligne la nécessité de mener des études et d’améliorer la collecte des données pour fournir des bases qui permettront de formuler des politiques et programmes de migration sensibles aux différences entre les sexes.