Stratégies visant à empêcher et à lutter contre la traite des femmes

Vienne, Autriche, le 29 avril 2006

Déclaration

La traite des êtres humains est l’activité la plus lucrative du crime transnational organisé. Cette traite représente sept milliards de dollars US, une somme bien supérieure aux ventes d’armements et de drogue. Les victimes de la traite sont exploitées sexuellement, contraintes à faire du travail forcé ou servile, à se marier ou à se soumettre à l’ablation d’organes. On estime que 700 000 femmes et jeunes filles sont victimes de la traite chaque année; dans les Etats membres de l’UE, un demi million de femmes sont victimes de la traite chaque année.

La coopération internationale entre l’appareil judiciaire et la police doit être renforcée afin de lutter contre le crime organisé. Parallèlement, on doit faire des efforts pour améliorer la situation économique des femmes dans leur pays d’origine. Si les femmes sont économiquement indépendantes, elles ne sont plus des proies faciles pour les trafiquants. Une meilleure coopération politique et économique doit être mise en place avec les pays touchés. Le soutien et l’aide des victimes de la traite dans les pays destinataires doivent être accélérés en appliquant la directive européenne qui entrera en vigueur le 6 août 2006.

L’Internationale socialiste des Femmes, donc:

  • demande aux organisations internationales de commencer à coopérer avec les ONG afin de rédiger des plans d’action internationaux qui serviront de guide à une législation ayant force d’obligation et à une action internationale, et qui prendront en compte le plan d’action du conseil de l’Union européenne nouvellement adopté et qui devrait être aujourd’hui en application;
  • demande aux gouvernements et aux organisations internationales de mettre à disposition les fonds nécessaires à la mise en oeuvre de tels plans d’action;
  • demande à toutes ses organisations membres de commencer à coopérer avec d’autres ONG et autorités gouvernementales afin de rédiger un Plan d’Action National qui servira de guide pour une législation ayant force d’obligation et pour une action institutionnalisée;
  • souligne la nécessité que les gouvernements respectifs nomment un coordinateur national, qui sera responsable du développement et de l’application du Plan d’Action National. Les mesures législatives nécessaires doivent être prises afin de fournir au coordinateur un ample soutien logistique et politique des ministères concernés;
  • exige qu’un rapporteur national soit nommé qui ait le droit légal de rassembler et d’évaluer des données et informations sur la traite des êtres humains. Tous les faits, données et autres informations pertinentes seront rassemblés et présentés au parlement. Ceci permettra de passer des mesures de réaction à des mesures proactives;
  • exhorte les gouvernements à accorder aux femmes victimes de la traite une période de stabilisation de 30 jours durant laquelle elles ne seront pas forcées à témoigner et devront être informées par les autorités de leurs droits ainsi qu’être couvertes par la sécurité sociale;
  • souligne qu’à la fin de la période de stabilisation les femmes qui sont prêtes à coopérer avec les autorités doivent recevoir un droit de résidence et un permis de travail;
  • note que des mesures doivent être prises pour protéger les témoins et les victimes qui sont impliqués dans des procédures juridiques et durant les procès. Le nom de la victime ne doit pas être communiqué à l’accusé ou à son avocat; l’adresse et la localisation des locaux de protection des témoins ne doivent pas être mentionnées durant les procédures. La victime doit être informée de la possibilité d’être questionnée séparément;
  • souligne qu’en droit pénal la notion d’aide et de complicité à la traite doit être étendue et doit être désignée comme un délit punissable;
  • demande que les clients des victimes qui exploitent sciemment et intentionnellement la situation d’une femme victime d’une traite soient condamnés à faire du travail caritatif – mais jamais dans des institutions de soutien aux victimes – ou à une amende, qui doit être versée à ces institutions;
  • demande que des personnes spécialement formées soient présentes durant les interrogatoires judiciaires et de police. A cette fin, la formation des juges, du parquet et de la police doit être améliorée. En outre, des interprètes spécialement formés doivent être disponibles;
  • souligne que la dimension de la lutte contre la traite des êtres humains et leur exploitation sexuelle exige une attention et une considération plus poussées. On doit offrir un soutien aux personnes qui souhaitent volontairement rentrer dans leur pays d’origine et s’y réintégrer, comme en est le souhait de 80 % des victimes. Ceci doit être fait en coopération avec les ONG ou les autorités locales;
  • demande aux gouvernements de signer et de ratifier le protocole des Nations unies visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, notamment des femmes et des enfants (Protocole de Palerme), qui complète la Convention des Nations unies contre le crime transnational organisé et la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains.

En conclusion, l’Internationale socialiste des Femmes demande que des mesures politiques pertinentes au delà de l’appareil judiciaire soient prises pour mettre fin à la violence et à la traite des êtres humains tout en soutenant l’indépendance économique des femmes. Une campagne largement médiatisée contre la traite des femmes, au niveau national et européen, s’avère donc urgente.