Les femmes: moteur de la gouvernabilité et du développement en Amérique Latine et aux Caraïbes

Santiago, Chili, les 3 et 4 novembre 2006

Résolution

Au cours des dix dernières années, la participation politique des femmes en Amérique latine et aux Caraïbes a lentement augmenté. Environ 15% des femmes disposent du pouvoir exécutif et 13 -14 % du pouvoir législatif et 11 pays ont une loi sur les quotas. Au niveau local 5% des municipalités sont dirigées par des femmes. On peut se réjouir de ces avancées mais elles ne sont pas suffisantes: en Amérique latine et aux Caraïbes, on ne veut pas que ces succès minimes servent de modèle car ce sont les conditions réelles de participation politique et sociale à égalité qui sont vraiment importantes.

Les femmes latino-américaines ont beaucoup contribué à la construction de la démocratie, surtout en période de guerre et durant la lutte contre les dictatures, mais d’une façon générale, cette participation n’a pas permis aux femmes d’obtenir des postes de pouvoir. Dans ce contexte, le Chili attire l’attention du monde entier sur le fait d’avoir un « Président – Femme », Michelle Bachelet, et un gouvernement paritaire en ce qui concerne les ministères, les sous-secrétariats, et la direction de services dans tout le pays. Il s’agit en outre d’une femme socialiste, membre de la famille de l’Internationale Socialiste. Mais l’Internationale socialiste des Femmes (ISF) veut que l’exception devienne la règle et qu’il y ait des gouvernements paritaires dans toute la région car la participation de plus de femmes au parlement, aux instances municipales et aux partis politiques reste, malgré tout, à être accomplie au Chili et dans de nombreux pays.

Pour que la distribution équitable des postes de pouvoir devienne naturelle, il faut recourir à des actions affirmatives, comme le système des quotas. C’est une question de principe démocratique: la représentation présente des carences, et il est donc urgent d’introduire des mécanismes pour les corriger.

Parallèlement, l’avancée vers des sociétés plus démocratiques et plus justes, nécessite la transformation des structures sociales, économiques et politiques. A cet effet, il faut des outils concrets pour obtenir l’égalité des chances là où les conditions de départ ne sont pas les mêmes. Pour cela, des politiques publiques promouvant activement les femmes sont nécessaires afin de permettre une impulsion et une insertion convenable dans le monde du travail et dans les cadres sociaux et politiques dans des conditions équitables sans harassement sexuel ni discrimination. Ces politiques publiques doivent prendre en compte le genre et pas seulement celui des femmes. Ces dernières n’accèderont pas à l’égalité réelle uniquement à l’aide de politiques spécifiques. Ces politiques publiques doivent s’inscrire dans le cadre de modèles de développement durable, inclusifs, équitables et prenant en compte une perspective de genre.

Afin de parvenir au modèle de gouvernabilité souhaitée, nous avons besoin d’institutions démocratiques stables et de bonnes relations entre le gouvernement et la société. Une société intégrée au sein de laquelle les femmes jouent un rôle actif devrait accélérer ce processus.

L’Internationale socialiste des Femmes, donc:

  • soutient la proposition de la présidente Michelle Bachelet de constituer ‘une Alliance Paritaire Latino-américaine’, permettant aux femmes d’atteindre leurs objectifs égalitaires, dans le but, en définitive, de rendre la région plus accueillante pour toutes ses femmes et pour tous ses hommes;
  • apprécie l’engagement de la présidente dans sa lutte contre la violence à l’égard des femmes, pour la promotion des droits sexuels et procréatifs chez les jeunes, contre l’écart des salaires entre les hommes et les femmes et pour l’entrée plus importante et facile des femmes sur le marché du travail.

De plus l’Internationale socialiste des Femmes lance un appel aux gouvernements de la région, et spécialement à ceux qui sont dirigés par des partis membres de l’Internationale Socialiste, pour:

  • signer et ratifier le plus vite possible le Protocole Facultatif de la Convention pour l’Elimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), ainsi que tous les traités, conventions et accords internationaux et régionaux;
  • faire valoir les droits des femmes au travail, dans la famille, à l’accès aux biens publics, à la santé, à l’éducation, au logement et participer ainsi à l’élimination de la violence à l’égard des femmes;
  • adopter des mesures destinées à assurer la représentation des femmes à tous les niveaux des structures du gouvernement et des partis politiques;
  • garantir pleinement l’application des droits sexuels et procréatifs à toutes les étapes de la vie des femmes. Sur ce point, l’ISF déplore la probihition récente de l’avortement pour raisons médicales au Nicaragua car elle considère cet acte comme un pas en arrière dans l’avancée des droits des femmes et demande donc un changement de position immédiat;
  • promouvoir des politiques publiques pour les femmes migrantes conçues sur la base d’un esprit internationale et solidaire qui permettent leur reconnaissance comme personnes avec des droits économiques, politiques et culturelles;
  • promouvoir, dans le cadre de réformes électorales, des actions affirmatives visant à garantir la représentation équilibrée des hommes et des femmes à la prise de décision, aussi bien dans les institutions que dans les partis politiques. Cette représentation est vitale pour développer une gouvernabilité démocratique.

Finalement, l’égalité des chances n’est pas uniquement la responsabilité des femmes, mais aussi celle des sociétés démocratiques et des partis politiques sensibles aux changements culturels ayant à cÏur d’atteindre la justice sociale, l’équité et la solidarité et pour objectif d’améliorer la qualité de nos démocraties et de rendre plus efficace notre développement économique et social.